Un train événementiel pour rappeler que la ligne des Causses est une ligne d’avenir

Le 23 février 2025 – Le 9 novembre dernier, un train événementiel parcourait toute la « ligne des Causses », qui relie Béziers à Neussargues (Cantal) soit 277 km. Organisée par l’association « Les amis du viaduc de Garabit » (AMIGA), membre du réseau #enTrain, en partenariat avec la région Occitanie, cette excursion a célébré la réouverture de la ligne entre Saint-Chély-d’Apcher et Neussargues, après huit mois de fermeture pour des travaux de rénovation d’une section de 25 kilomètres. Il s’agissait de fêter dignement ces travaux de 43 millions d’euros, entièrement financés par l’Etat et SNCF Réseau, et sans lesquels la « Béziers-Neussargues » aurait fermé au nord de Saint-Chély, perdant ainsi son intégrité. La réservation complète d’un train de 220 places en seulement 24 heures a témoigné de l’intérêt pour cette desserte et l’évènement lui-même a fait l’objet de nombreux articles de presse, reportages TV et interactions sur les différents réseaux sociaux.

La « ligne des Causses » a été mise en service par tronçons au cours du XIXème siècle, dans la direction du sud vers le nord. Partant de Béziers, la ligne a atteint Bédarieux (Hérault) en 1858, Millau (Aveyron) en 1874, Marvejols (Lozère) en 1884, et est arrivée dans le Cantal à Saint-Flour et Neussargues en 1888 (où elle rejoint aujourd’hui la ligne Clermont-Ferrand – Aurillac – Toulouse).

De 1863 jusqu’à la création de la SNCF, la Compagnie du Midi a exploité cette ligne, caractérisée par une vocation affirmée pour le trafic de marchandises : elle permettait de transporter la houille des mines de Graissessac et de convoyer les vins du Languedoc vers Paris, trafics où la Compagnie du Midi était en concurrence avec la Compagnie du Paris – Lyon – Méditerranée, plus à l’Est.

Les trains devaient faire face à des rampes élevées (jusqu’à 33 pour mille), à un profil de la ligne en dents de scies et à la rudesse du climat montagnard. Pionnière de l’électrification ferroviaire en France, la Compagnie du Midi en a profité pour installer la caténaire. En 1932, l’électrification étant achevée d’un bout à l’autre de la ligne, il en résultait une division d’un facteur deux des temps de parcours !

Un demi-siècle plus tard, 1982 voyait l’inauguration du train corail « Aubrac » Béziers – Neussargues – Clermont-Ferrand – Paris. Cette époque marquait une sorte d’apogée. A partir de cette date également apparaissait l’appellation « ligne de l’Aubrac », faisant référence au parcours du train éponyme.

Au cours des dernières décennies, les pouvoirs publics ont lourdement investi sur l’axe autoroutier parallèle, l’A75, inauguré par tronçons entre la fin des années 1980 et le début des années 2010, sur l’intégralité du trajet entre Clermont-Ferrand et Montpellier. Cette autoroute compte notamment le Viaduc de Millau, inauguré en 2004, seul tronçon payant de l’axe par ailleurs entièrement gratuit.

Par contraste, la ligne ferroviaire a connu une descente aux enfers. Une modernisation complète était planifiée au tournant du millénaire, mais, suite à un changement de gouvernement, la ligne s’est retrouvée dans le « couloir de la mort » des relations ferroviaires. Le train de nuit direct Paris- Millau a été supprimé en 2003, le train de jour Paris – Béziers en 2007. L’état de la ligne s’est encore détérioré, si bien qu’en 2006 un train de voyageurs y a déraillé. Le trafic a été interrompu durant de longs mois en 2007, 2010 et 2020 pour effectuer des « travaux-rustines » évitant la fermeture complète à court terme, mais jamais pour donner un nouvel élan à la ligne. Heureusement, la mobilisation sans relâche d’associations comme le Comité Pluraliste, rejoint par l’AMIGA créée en 2018, a été primordiale pour en assurer la pérennité.

De nos jours un unique train utilisant du matériel TER mais ayant le statut d’Intercités relie chaque jour Clermont-Ferrand et Béziers (387 km) dans les deux sens, en 6 h 40 environ. Hélas, alors que les associations réclament depuis longtemps la mise en œuvre d’un matériel hybride, un changement à Neussargues continue de s’imposer aux voyageurs : la ligne est en traction thermique entre cette gare et Clermont-Ferrand.

Pourtant la « ligne de l’Aubrac » présente, à l’évidence, un fort potentiel touristique et patrimonial ; un intérêt qui n’a pas échappé au quotidien britannique The Guardian, dont un article paru en 2023 la compte parmi l’une des six plus belles d’Europe et la décrit comme « le plus beau voyage ferroviaire de France ». Point d’orgue du parcours, le Viaduc de Garabit, œuvre de Gustave Eiffel et Léon Boyer, classé Monument historique en 2017 et dont une image illustre cet article. L’année 2024 a d’ailleurs vu la commémoration des 140 ans du Viaduc, avec une exposition qui s’est tenue à Saint-Flour aux mois d’août et de septembre, également soutenue par l’association AMIGA.

Mais la pertinence de la « ligne de l’Aubrac » ne se réduit pas à ces aspects historique et touristique. Elle reste utilisée par de nombreux scolaires, actifs, et habitants des régions traversées. Elle conserve aujourd’hui un intérêt national, surtout dans le contexte de déshérence du rail qui marque le Massif Central, avec la suspension de nombreuses liaisons. Elle constitue l’itinéraire le plus court de Paris à Perpignan et Barcelone, ce qui lui confère un intérêt à tout le moins interrégional. Enfin, entièrement électrifiée entre Béziers et Neussargues, elle répond pleinement aux enjeux climatiques de par son fonctionnement très « bas carbone ».

Si certains élus ne sont pas encore convaincus que garantir l’accès aux départements ruraux avec des moyens de transports sobres en énergie et à faibles émissions GES (Gaz à Effets de Serre) constitue un atout maître pour gagner en attractivité et en compétitivité, cette prise de conscience progresse partout. D’autant que la ligne assure également la desserte fret de l’usine Arcelor – Mittal de Saint-Chély d’Apcher, premier employeur en Lozère. Le maintien de la Ligne des Causses est donc primordial pour préserver l’une des dernières liaisons ferroviaires de longue distance du Massif Central.

Le combat sans relâche des militants associatifs pour la pérennité et le développement des dessertes de cette ligne est donc bien d’intérêt général. Si l’association « Les Amis du Viaduc de Garabit » vient justement d’être reconnue d’intérêt général, ce n’est peut-être pas un hasard…

Article publié avec l’aide de Jean-Jacques Marchi, de l’association AMIGA.

Plus d’infos sur le site de l’AMIGA : https://www.amisgarabit.com/